Le gilet jaune de sécurité est incontournable : « C’est jaune c’est moche ça ne va avec rien mais ça peut vous sauver la vie », pouvait-on lire en 2008 sur une affiche d’une campagne de la Sécurité routière montrant le styliste Karl Lagerfeld revêtu d’un gilet fluo pour rappeler que le port de cet accessoire est obligatoire en cas de panne. Toute référence à l’actualité en ce jour de parution du présent billet ne serait bien sûr que pure coïncidence…
Par ailleurs, le fluo attire, séduit… et fait vendre ! Les couleurs fluos égaient notre vie quotidienne (Fig. 1) : surligneurs, vêtements et accessoires de mode, montres, cosmétiques, gadgets divers, etc., sans oublier les peintures fluos en bombe ou en poudre.

D’où vient la luminosité des couleurs fluos ?
La fluorescence est évidemment au cœur du sujet. C’est une lumière née de la lumière. Comment est-ce possible ? Pour le comprendre, voyons ce qui distingue un colorant fluorescent d’un simple colorant. Ce dernier absorbe la lumière à certaines longueurs d’onde dans le domaine du visible et réfléchit la lumière aux longueurs d’onde qu’il n’absorbe pas, ce qui lui confère une certaine couleur. Un colorant fluorescent, quant à lui, possède en outre la propriété d’émettre une lumière colorée (fluorescence) consécutivement à l’absorption de lumière, cette émission se situant à des longueurs d’onde en moyenne plus grandes que celles du domaine où il absorbe.1 Ainsi, les longueurs d’onde non absorbées et donc réfléchies par un objet se superposent sur la rétine à celles de la fluorescence, d’où la sensation globale d’une couleur très lumineuse, appelée couleur fluo. Pour visualiser la seule contribution de la fluorescence, il suffit d’éclairer l’objet avec une lampe UV puisque nos yeux sont insensibles aux UV que l’objet réfléchit mais n’absorbe pas (Fig. 1).
Une autre lumière née de la lumière est la phosphorescence. Dans le langage courant, il y a souvent confusion avec la fluorescence. Dans le cas de la phosphorescence, l’émission perdure un certain temps lorsque cesse l’illumination.2
Les colorants fluorescents
Contrairement à l’incandescence dont la couleur de l’émission ne dépend quasiment pas de la nature du corps,3 la couleur de la fluorescence dépend intiment de la structure chimique de la substance illuminée.1 Le premier colorant fluorescent synthétique bien connu est la fluorescéine, préparée par von Baeyer en 1871. Ses applications sont encore aujourd’hui très nombreuses, en particulier en médecine. Bien d’autres colorants seront synthétisés par la suite : rhodamines, coumarines, acridines, cyanines, oxazines, etc. (Fig. 2). Il existe également des composés minéraux fluorescents.

La mode fluo : un perpétuel recommencement
Jaune fluo et rose flashy figuraient parmi les couleurs à la mode de l’été 2018. Ce n’était pas une première, loin de là ! La mode fluo est en effet apparue pour la première fois dans les années 1960, et depuis, les couleurs fluos sont revenues périodiquement sur le devant de la scène. Voici comment débutait un article intitulé « La vogue fluo », paru le 6 juillet 1984 dans l’hebdomadaire Le Point : « Retour en force du ‘fluo’, comme aux beaux jours du pop art. À Paris, ses couleurs éclatent en maquillages auréolés dans les boîtes de nuit, tandis que, dans les égouts, des artistes célèbrent des happenings, le corps enduit de lumière mauve. À Madrid, on se badigeonne des chaussettes fluo. À New York, les smurfeurs ‘bombent’ le métro… Ce cocktail d’humour et de provocation a une saveur déjà connue. C’est le come-back des années soixante dont l’optimisme forcené paraît, en 1984, bien peu spontané ».
Les spectacles en lumière noire
Comment la magie opère-t-elle dans les spectacles en lumière noire ? La salle est totalement plongée dans l’obscurité et la scène est illuminée par des projecteurs émettant un rayonnement UV (que l’on dénommait autrefois « lumière noire » car il est invisible à nos yeux). Les spectateurs ne voient alors que la fluorescence émise par les divers objets, les vêtements des acteurs et leur maquillage. Si vous allez à Prague, ne manquez pas d’assister à une représentation du Black Light Theater qui offre de superbes spectacles hauts en couleur fluo (Fig. 3).

Références et notes
1Pour en savoir plus sur la fluorescence et ses applications : B. Valeur,Lumière et luminescence. Ces phénomènes lumineux qui nous entourent, Belin (2005, 2eéd. 2017).
2Fluorescence et phosphorescence sont les deux principales formes de photoluminescence qu’il ne faut pas confondre avec d’autres types de luminescence comme celle des LED (électroluminescence résultant de l’application d’un champ électrique), des vers luisants (bioluminescence accompagnant une réaction biochimique) ou des bâtons lumineux (chimiluminescence résultant d’une réaction chimique) (Voir référence 1).
3Voir le billet du 19.10.2018« Couleur et température : une relation particulière… et paradoxale ».