La variété de couleurs des chrysanthèmes est exceptionnelle, mais pour quelle raison les chrysanthèmes d’un bleu franc n’existent pas à l’état naturel ? Peut-on en créer artificiellement ? Et pourquoi les chrysanthèmes fleurissent-ils en automne et non pas en été ? Voilà des questions scientifiques qui viennent à l’esprit lorsque chaque année à l’automne les chrysanthèmes abondent chez les fleuristes… et dans les cimetières à la Toussaint. Ils sont en effet associés à la mort en France, mais leur symbolique diffère notablement selon les pays. La symbolique des couleurs relevant des sciences humaines et sociales, celle des chrysanthèmes mérite qu’on en dise ici quelques mots.

Fig. 1. Pots de chrysanthèmes à fleurs en pompon à deux ou trois couleurs photographiés chez un horticulteur (Les Forges de Perreuil, 71510 Morey). © Bernard Valeur

De toutes les couleurs sauf bleu

Les fleurs de chrysanthème sont de formes très variées et offrent une exceptionnelle diversité de couleurs (Fig. 1) : mauve, rouille, or, blanc, beige, mordoré, violet… sauf bleu ! Les couleurs sont dues à des pigments de deux familles : les flavonoïdes1 et les anthocyanes1,2.

Pourquoi le bleu est-il absent de cette large palette de couleurs ? Il en est d’ailleurs de même pour la couleur des roses. C’est simplement parce que ces plantes ne possèdent pas d’anthocyanidine2 conférant la couleur bleue. Cependant, des chercheurs japonais ont réussi par génie génétique à produire des chrysanthèmes bleus en introduisant des gènes issus de fleurs bleues : une campanule (Campanula medium) et un pois bleu (Clitoria ternatea).3 La tâche a été moins difficile que dans le cas des roses bleues produites également par génie génétique4 car il n’a pas été nécessaire de bloquer l’expression d’autres gènes. Force est de constater que dans les deux cas, la couleur obtenue n’est pas un bleu franc mais plutôt bleu lavande pour le chrysanthème (Fig. 2) et bleu violacé pour la rose4.

Fig. 2. Chrysanthème bleu obtenu par génie génétique par des chercheurs japonais. Crédit : Naonobu Noda/NARO. Source : www.npr.org

Les raisons d’une floraison automnale

La durée de l’éclairement journalier ou photopériode a souvent une influence importante sur la floraison. Il est ainsi d’usage de distinguer les plantes de jours courts, les plantes de jours longs et les plantes indifférentes.1 Les plantes de jours longs fleurissent en été tandis que les plantes de jours courts fleurissent en automne, comme les chrysanthèmes, ou en hiver, comme les hellébores.

En fait, la photopériode n’a pas d’effet direct sur les bourgeons prêts à fleurir, mais sur les feuilles qui doivent donc transmettre un signal pour que la floraison s’amorce. Il ne s’agit pas d’une hormone, comme on l’a longtemps cru, mais d’une protéine découverte en 2005 grâce à la génétique : la protéine FT (Flowering Locus T) qui est produite dans les feuilles sous l’effet de la lumière et migre vers les bourgeons.1 Toutefois, ce signal mobile implique également du sucre et des hormones. Outre la photopériode, la température influe également sur la production de protéine FT.

La symbolique des chrysanthèmes

« … le chrysanthème qui est la marguerite des morts » chantait Georges Brassens en 1956 dans sa chanson Le testament. En effet, en France, en Belgique et en Allemagne, la tradition est de fleurir les tombes des défunts avec des chrysanthèmes le jour de la fête des morts, c’est-à-dire le lendemain de la Toussaint. Cette tradition remonte à la première guerre mondiale : pour honorer les innombrables morts de la Grande Guerre, on décida de fleurir leurs tombes. Si le choix se porta principalement sur le chrysanthème, c’est parce qu’il est en pleine floraison en automne. Cette fleur n’est certes pas la seule à fleurir en automne, mais c’est la plus belle de cette saison et elle résiste bien au froid.

La symbolique du chrysanthème est totalement différente dans les pays asiatiques : cette fleur est en effet associée à la longévité, à l’immortalité, au bonheur ou à la puissance. En chinois, le mot chrysanthème signifie « essence du Soleil ». Selon une croyance populaire, boire une infusion de ses pétales assure la longévité et procure le bonheur. Au Japon, cette fleur est associée à la puissance depuis l’ère Nara (710-794), et la forme à seize pétales devint l’emblème de la famille impériale au XIIIe siècle. Chaque année, en septembre, se tient le festival des chrysanthèmes, et le 9 septembre – c’est-à-dire le 9e jour du 9e mois – a lieu une cérémonie au sanctuaire Kamigano à Kyoto.

Curieusement, c’est également un 9 septembre, celui de l’année 1965, que le général de Gaulle, friand de petites phrases, inventa l’expression « inaugurer les chrysanthèmes » lors d’une conférence de presse : « D’ailleurs, qui a jamais cru que le général de Gaulle étant appelé à la barre devrait se contenter d’inaugurer les chrysanthèmes... », dit-il en déclenchant un fou-rire général !5

Références et notes

1B. Valeur et É. Bardez, La lumière et la vie. Une subtile alchimie, Belin, 2015.

2Les anthocyanes (du grec anthos « fleur » et kuanos « bleu ») sont constituées d’un pigment (une anthocyanidine) lié à un ou deux sucres (forme hétérosidique). Elles confèrent aux fleurs les couleurs rouge, rose, bleu, violet, ou pourpre selon la nature de l’anthocyanidine. L’acidité et la copigmentation influent notablement sur la couleur des pétales.

3 N. Noda et al., « Generation of blue chrysanthemums by anthocyanin B-ring hydroxylation and glucosylation and its coloration mechanism », Science Advances, vol. 3 (7) e1602785, 2017.

4Voir le billet du 01.12.2018 « À la recherche de la rose bleue ».

5Pour voir la vidéo, Charles de Gaulle « Inaugurer les chrysanthèmes », sur le site de l’INA, c’est par ici.

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