Les incendies de forêts deviennent de plus en plus nombreux chaque été. Ils sévissent sur tous les continents et la France n’est pas épargnée. Les « bombardiers d’eau » jouent un rôle majeur tant pour en retarder la propagation que pour les éteindre. En effet, ils larguent de l’eau additionnée d’un retardant (ou agent retardateur)1 qui est souvent de couleur rouge et rend ainsi le largage spectaculaire. D’où vient cette couleur ? Comment le retardant agit-il ? Est-il nocif pour la faune et la flore ?
Composition et action du retardant
D’une façon générale, divers retardants ont été conçus pour des applications variées. Dans la lutte contre les feux de forêt, le principe actif le plus couramment utilisé est du polyphosphate d’ammonium, un composé qui entre également dans la formulation de certains engrais. Il est associé à de l’argile en tant qu’épaississant, ainsi qu’à un pigment naturel rouge dont le rôle sera discuté ci-dessous, et à quelques composés moins importants.2 Le mélange largué contient 20 % de retardant et 80 % d’eau.
Le retardant agit sur la pyrolyse3 des végétaux qui est une décomposition thermique : sous l’action de la chaleur, certaines liaisons chimiques des constituants végétaux (essentiellement la cellulose, l’hémicellulose et la lignine)4 sont rompues engendrant des composés organiques plus légers qui s’enflamment facilement en présence du dioxygène de l’air. Combustion et pyrolyse sont des processus couplés : la combustion provoque et entretient la pyrolyse aussi longtemps qu’il reste de la matière à brûler.
La déshydratation des végétaux commence vers 100 °C et la pyrolyse des constituants du bois vers 250 °C. Grâce au retardant qui recouvre les végétaux, ces processus sont retardés jusqu’à ce que la température atteigne environ 700 °C. Voyons comment.
Sous l’action de la chaleur, le polyphosphate d’ammonium se décompose en acide polyphosphorique et en ammoniac. Cet acide réagit avec les groupes hydroxyle des composés du bois (cellulose, lignine…) pour former un ester non stable : ce dernier est alors déshydraté par la chaleur et une carbonisation se produit en surface (voir schéma dans la note 6). La couche carbonisée ainsi formée joue le rôle d’isolant et retarde la décomposition supplémentaire du végétal.
Un pigment pour repérer les zones déjà arrosées
Le pigment de couleur rouge ocre est de l’oxyde de fer(III) (Fe2O3). Il n’intervient pas dans l’effet retardant et n’a bien sûr pas de vocation esthétique ! Son rôle : visualiser les zones qui ont déjà été arrosées (Fig. 1). Comme l’action du retardant n’est pas immédiate (contrairement à celle de l’eau), l’usage est de larguer un tiers du mélange eau-retardant sur la végétation en flamme et deux tiers sur celle qui est intacte.

Le retardant est-il nocif ?
Les balafres de couleur rouge persistent longtemps sur les feuilles des végétaux, surtout en période de sécheresse. Si le retardant n’a pas d’effet létal sur la faune et la flore (ni sur les humains), car tous les constituants – autres que le pigment naturel – sont biodégradables, il s’avère irritant en cas de contact direct. En outre, un largage à moins de 100 m d’un cours d’eau n’est pas souhaitable car les phosphates d’ammonium génèrent de l’ammoniaque dans l’eau. En revanche, la reprise de la végétation est favorisée par le polyphosphate d’ammonium jouant le rôle d’engrais.
Références et notes
1 Le retardant, marsaly.fr
2Un des retardants les plus utilisés pour les feux de forêts est le FIRE-TROL® : il s’agit d’une solution concentrée de polyphosphate d’ammonium (80% à 95%) contenant de l’oxyde fer(III) (0.1% à 3.0%), de l’hexacyanoferrate de sodium (0.1% à 3%) et une petite proportion d’argile (agent épaississant).
4Pyrolyse, Wikipedia
5Le bois, tice.ac-montpellier.fr
6Réactions chimiques induites par le polyphosphate d’ammonium dans le processus de carbonisation superficielle des végétaux.
Crédit de l’image mise en avant : BLM Nevada. Flickr / Creative Commons
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