Un énorme diamant noir de 555,55 carats (111,11 grammes) possédant 55 facettes a été adjugé 3,16 millions de livres sterling (3,75 millions d’euros) lors d’une vente aux enchères en ligne organisée par Sotheby’s à Londres du 7 au 9 février 2022.1 Pourquoi un prix aussi exorbitant ? À la rareté de ce type de diamant s’ajoute le coût d’une taille qui a pris plusieurs années. Ce diamant porte bien son nom de baptême, The Enigma, car la façon dont les diamants noirs se sont formés fait encore l’objet de débats même si l’hypothèse d’une origine extraterrestre reste toutefois la plus plausible.2 Avant de faire le point sur cette question, expliquons d’où vient cette intrigante couleur noire.
D’où vient l’apparence noire ?
L’existence d’un diamant noir est insolite tant est familière l’image du diamant transparent qui brille de tous ses feux. Un diamant pur est incolore, contrairement au graphite qui est noir bien qu’il soit, comme le diamant, constitué de carbone. Cette disparité flagrante s’explique par un arrangement différent des atomes de carbone.3
Quand un diamant n’est pas incolore, c’est parce qu’il possède des défauts (impuretés ou défaut physique du cristal) et/ou qu’il a subi un traitement (irradiation, chauffage).4 Il peut ainsi être rose, bleu, jaune, vert, etc. Mais quant à être noir, c’est plus qu’inattendu. Ce noir est-il naturel ou artificiel ?
De fait, fabriquer des diamants dits « noirs » est possible par irradiation, mais les experts ne s’y trompent pas : examinés de près, ces diamants sont en fait verts ou bleus très foncés,4 ce qui n’est pas le cas des diamants noirs naturels. Ces derniers possèdent une structure polycristalline dense mais poreuse : ils sont constitués de l’association de microdiamants, orientés de façon aléatoire, et d’une multitude d’inclusions microscopiques de graphite. Dans certains cas, on a détecté également des inclusions de sulfure de fer (pyrite) de couleur dorée pâle et/ou d’hématite (oxyde de ferIII) de couleur rouge. Les rayons lumineux subissent de multiples réflexions et réfractions par les microdiamants constitutifs. Leur chemin optique est donc considérablement augmenté (en comparaison d’un monocristal) ce qui renforce l’absorption de la lumière par les inclusions de graphite, d’où l’apparence noire ou gris très foncé, souvent qualifiée de « poivre et sel ». Le facettage et le polissage ont bien sûr une influence sur l’intensité de la couleur et des reflets métalliques.
La plupart des diamants noirs sont opaques mais certains présentent le charme supplémentaire d’être translucides, comme l’Enigma (Fig. 1). Ce dernier se singularise en outre par des caractéristiques particulières : il contient des microcristaux jaune-brunâtre, des minuscules motifs filiformes dans certaines régions, et quelques micrograins rouges et jaunes. La nature de ces inclusions reste à préciser.
Où trouve-t-on des diamants noirs naturels ?
Dans les années 1840, des mineurs ont découvert dans l’est du Brésil des pierres noires aux reflets métalliques. Ils les ont baptisés « carbonados », mot portugais qui signifie « carbonisés », « brûlés », termes qui reflètent bien l’aspect de ces pierres (Fig. 1). La seule autre région où l’on en a trouvé, quelques décennies plus tard, est la République centrafricaine. Les caractéristiques des carbonados découverts dans ces deux régions ne présentent pas de différences significatives du point de vue texture, apparence de surface, propriétés physiques et chimiques.2 Il doit donc exister un lien dont on peut avancer l’explication suivante. La formation des carbonados remonte à plusieurs milliards d’années lorsque les régions correspondant actuellement à l’est du Brésil et à la République centrafricaine faisaient partie du même supercontinent Rodinia, qui s’est par la suite fractionné. La séparation entre les deux régions concernées a commencé il y a 180 millions d’années.

Comment les diamants-carbonados se sont-ils formés ?
De nombreuses hypothèses ont été proposées pour expliquer l’origine des carbonados.2 Examinons les plus importantes.
Formation dans le manteau terrestre ?
Il faut rappeler tout d’abord qu’en général, les diamants se forment dans le manteau terrestre sous une forte pression et à une température très élevée, puis ils sont entraînés vers la surface par la lave des volcans. On les retrouve ainsi inclus dans des roches volcaniques (kimberlites) dont la composition est caractéristique du manteau terrestre. Or, on n’a jamais trouvé de carbonados dans des kimberlites. En outre, les carbonados contiennent de l’osbornite, un minéral à base de nitrure de titane que l’on trouve exclusivement dans les météorites. Enfin, le rapport isotopique carbone13/carbone12 est plus faible de celui des diamants typiques.
Impact d’une météorite ?
Dans les années 1980, des chercheurs ont émis l’hypothèse que les carbonados auraient pu se former sur Terre lors de l’impact d’une météorite il y a plusieurs milliards d’années, à l’époque où la Terre était soumise à un bombardement météoritique intense. À l’appui de cette hypothèse, la datation des formations géologiques au voisinage des gisements de carbonados : entre 2,6 et 3,8 milliards d’années. Toutefois, la transformation du carbone par impact (métamorphisme de choc) conduit à une forme cristallisée (différente du diamant et du graphite), appelée lonsdaléite, forme très rare à l’état natif, qui est par exemple présente dans le cratère météoritique de Canyon Diablo en Arizona.
Origine extraterrestre ?
Autre hypothèse proposée en 1990 : les carbonados se seraient formés dans un nuage interstellaire riche en carbone et hydrogène. De quelle façon ? Grâce à l’onde de choc consécutive à l’explosion d’une supernova qui est capable de comprimer et de chauffer suffisamment le carbone pour former des carbonados (notons que ces conditions sont comparables à celles qui permettent de produire des diamants de synthèse en laboratoire). Les carbonados auraient été incorporés dans un astéroïde formé dans le disque protoplanétaire du système solaire. Cet astéroïde serait ensuite entré en collision avec la Terre après une probable fragmentation lors de son entrée dans l’atmosphère. Pour confirmer cette hypothèse, il faudrait prouver la présence d’atomes d’hydrogène, dont les nuages interstellaires regorgent, ainsi que d’atomes azote qui y sont également présents. C’est ce que Jozsef Garai, Stephen Haggerty et leurs collègues ont réussi à montrer en 2006 par spectroscopie infrarouge.5
Qui aura le dernier mot ?
Bien que les arguments en faveur d’une origine extraterrestre soient très convaincants, d’autres chercheurs, comme Peter Heaney, continuent à invoquer la formation des carbonados dans le manteau terrestre sans toutefois être en mesure de préciser des conditions de formation. L’argument repose sur la taille gigantesque de certains d’entre eux, comme l’Enigma. En effet, s’il n’est pas rare de trouver des diamants dans des météorites, ils sont tous de très petite taille. Cependant Stephen Haggerty rappelle que les carbonados sont criblés de pores et s’effondreraient sur eux-mêmes dans les conditions de température et de pression qui règnent dans le manteau terrestre à une centaine de kilomètres de profondeur.
Quoi qu’il en soit, l’origine extraterrestre des carbonados ne pourra être définitivement prouvée que par la découverte de leur présence dans la ceinture d’astéroïdes par télédétection, ou par l’observation de la chute d’une météorite diamantée de couleur sombre, poreuse et patinée.2 Affaire à suivre donc…
555,55 carats, 55 facettes : pourquoi le chiffre 5 exclusivement ?
Lorsque l’Enigma fut acquis anonymement dans les années 1990, il faisait plus de 800 carats (160 grammes) affirme le représentant du vendeur. C’est seulement par la suite que la taille a été entreprise pour lui donner ses 55 facettes – en réduisant au passage sa masse à 555,55 carats – alors que les coupes traditionnelles de diamants conduisent le plus souvent à 57 ou 58 facettes. C’est au propriétaire que l’on doit un tel choix : le chiffre 5 (Hamsa en arabe) fait référence à l’amulette Hamsa en forme de main (également connue sous le nom de main de Fatma), répandue dans tout le Moyen-Orient. Elle est porteuse de force, de chance et de protection contre le mal. C’est pour cette raison que le propriétaire a souhaité que la silhouette d’Enigma s’amincisse comme une main, de la paume aux doigts (Fig. 2). Un véritable objet d’art !

Trois années ont été nécessaires pour tailler l’Enigma selon les consignes du propriétaire. Une telle durée s’explique surtout par sa dureté très élevée, à l’instar de celle des diamants noirs en général (supérieure à celle des diamants incolores).6 La structure cristalline particulière rend également la tâche difficile : les inclusions microscopiques sont nombreuses (voir ci-dessus) et la surface un peu poreuse n’est pas parfaitement lisse, contrairement aux autres diamants.
La rareté, les dimensions et la complexité du facettage et du polissage expliquent le prix exorbitant de l’Enigma. Ce n’est toutefois pas le plus gros diamant de sa catégorie. Le record est détenu par un autre carbonado, appelé Sergio, découvert au Brésil. Avec ses 3167 carats, c’est le plus gros diamant, toutes catégories confondues. Quant au record de prix pour un diamant vendu aux enchères, il est détenu par le diamant rose Pink Star, adjugé pour 71,2 millions de dollars en 2017.
L’Enigma n’a pas fini d’interpeller les géologues, d’enthousiasmer les gemmologues, d’interroger les astrophysiciens et les astrochimistes… et de séduire les amateurs d’art. Gageons que son épopée nous réserve encore des surprises.
Références et notes
1“The Enigma’ – a 555.55 carat Fancy Black Diamond”. Sotheby’s – “This huge black diamond just sold for $4.3 million. No one knows where it came from”. National geographic
2S. E. Haggerty, « Carbonado diamond: a review of properties and origin », Gems & Gemology, vol. 53(2), pp. 168-179, 2006. DOI:10.5741/GEMS.53.2.168
3Un diamant parfaitement pur est un cristal dans lequel chaque atome de carbone est lié à quatre autres formant un tétraèdre. Ce cristal est incolore car il n’absorbe pas la lumière dans le domaine visible du fait que la différence d’énergie entre la bande de valence et la bande de conduction est supérieure à l’énergie d’un photon dans le violet.
Dans le graphite, l’arrangement des atomes n’est pas tétraédrique ; ces derniers sont répartis en couches associées par des liaisons faibles qui sont responsables de l’absorption de la lumière à toutes les longueurs d’onde du domaine visible, d’où la couleur noire. Les mines de crayon, par exemple, en sont constituées.
4E. Fritsch, J. Shigley, « Des diamants bien traités », Dossier Pour la Science n° 35, Avril 2002, pp. 78-83.
5J. Garai, S. E. Haggerty et al., « Infrared absorption investigations confirm the extraterrestrial origin of carbonado-diamonds », The Astrophysical Journal, vol. 653(2), L153-156, 2006. DOI:10.1086/510451
6Les diamants noirs ont une dureté exceptionnellement élevée qui est supérieure à celle des pierres diamantaires traditionnelles. Leur résistance accrue aux pressions élevées s’explique par leur structure particulière, constituée d’un réseau intriqué de microcristaux. Ils sont utilisés comme abrasifs industriels et servent à fabriquer des meules pour affuter les outils et des forets pour percer notamment les roches dures.
Crédit de l’image mis en avant : Sotheby’s https://www.sothebys.com/en/buy/auction/2022/the-enigma-555-55-carat-fancy-black-diamond/the-enigma-a-555-55-carat-fancy-black-diamond
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