Nombre d’additifs alimentaires (colorants, conservateurs, etc.) sont reconnus à risque pour la santé et pourtant autorisés ! Plus choquant encore est le fait que des colorants à risque soient présents dans de nombreux médicaments : des gélules d’un beau rouge vif, des comprimés d’un blanc immaculé… Serait-ce à des fins esthétiques ? Mais pourquoi les médicaments devraient-ils être rendus attrayants ? Examinons quelques colorants courants qui sont sur la sellette.
Les médicaments d’un rouge vif
L’érythrosine est un colorant alimentaire rouge controversé [1,2]. Classé sous le nom de E127, il est autorisé en France seulement pour les cerises en conserve et celles qui décorent les cocktails. Il est en revanche présent dans de très nombreux médicaments relevant d’une multitude de spécialités, notamment pour colorer les gélules en rouge ! Surprenant, non ?
Qu’en est-il à l’étranger ? Aux États-Unis, son utilisation est autorisée dans les aliments. La principale association de consommateurs (Consumers reports) ainsi que d’autres associations en ont demandé l’interdiction à l’Agence fédérale américaine des produits alimentaires et médicamenteux (Food and Drug Administration, FDA). Il y a 30 ans, cette même agence avait supprimé l’autorisation de ce colorant dans les cosmétiques et les médicaments appliqués sur la peau. Pourquoi alors ne pas l’interdire en tant que colorant alimentaire, clament les associations de consommateurs ?
Il faut préciser que des études ont montré que l’érythrosine pouvait induire des tumeurs à la tyroïde chez les rongeurs à cause de l’iode que contient ce composé. Cependant, les autorités sanitaires n’ont pas jugé ces études pertinentes chez l’homme en raison des différences physiologiques entre ces animaux et les humains.
Un autre colorant rouge souvent présent dans les gélules de médicaments est l’azorubine (E122), appelée également cramoisine [2, 3]. Cet additif est largement employé dans les aliments (yaourts, confiseries, confitures, desserts…) et les cosmétiques (gels douches, rouges à lèvres, shampooings…). Le risque concerne tout particulièrement les enfants : tout aliment contenant de l’azorubine doit porter la mention « Peut avoir des effets indésirables sur l’activité et l’attention chez l’enfant ».
L’azorubine est-elle cancérigène ? Ce colorant est classé dans le groupe 3 au Centre international de recherches sur le cancer (CIRC) où figurent les agents inclassables quant à la cancérogénicité pour l’homme [4]. Dans le doute, il est préférable de s’abstenir, d’où son interdiction dans de nombreux pays : États-Unis, Autriche, Norvège, Suède, Canada, Japon. Il est en revanche autorisé en France !
Des médicaments ultra-blancs
Pour conférer une blancheur éclatante, le dioxyde de titane (TiO2) est sans conteste le pigment le plus efficace. Il est très utilisé dans les peintures, mais aussi comme additif (E171) dans l’alimentation (confiseries, crèmes diverses, soupes, sauces…) [5]. Les cosmétiques et les dentifrices en contiennent également, ainsi que de très nombreux médicaments. Il fait depuis longtemps l’objet d’une attention particulière du fait qu’il contient de particules de taille nanométrique (< 100 nanomètres), toutefois à des teneurs inférieures à 50 %. Les nanoparticules présentent en effet des risques pour la santé [6].
Selon l’Autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA), le E171 n’est plus considéré comme sûr en tant qu’additif alimentaire [7]. Son évaluation publiée mai 2021 précise que « après une ingestion orale, l’absorption des particules de dioxyde de titane est faible, mais elles sont susceptibles de s’accumuler dans l’organisme ». Établir un niveau sans danger pour l’apport quotidien de cet additif est donc dénué de sens.
Il n’est pas dans les prérogatives de l’EFSA d’interdire ou d’autoriser le dioxyde de titane ou tout autre additif. Toute décision législative ou réglementaire sur l’autorisation des additifs alimentaires relève de la responsabilité des gestionnaires du risque (c’est-à-dire la Commission européenne et les États membres).
La vigilance est de rigueur
Il appartient donc aux décideurs gouvernementaux de prendre leurs responsabilités, mais quel avis peut-on porter sur leur décision d’autoriser un additif ? Par exemple : les additifs nitrés restent autorisés dans les produits de charcuterie pour les rendre bien roses alors qu’ils sont reconnus comme cancérogènes [8,9].
Alors c’est au consommateur d’être vigilant ! Il est facile de déceler un additif à risque dans un produit alimentaire, en scannant son code-barres à l’aide du logiciel Yuka par exemple. Mais qu’en est-il des colorants à risque dans les médicaments ? Qui a déjà posé à son pharmacien la question de leur présence dans les excipients ? À chacun son rôle répondra-t-il sans doute ! Le sien n’est pas d’avertir sur le risque éventuel d’un excipent. Alors, chacun devrait s’informer de la composition des excipients des médicaments courants qu’il prend, et faire un choix s’ils existent sous diverses formes : le paracétamol est un bel exemple. Une prise de conscience accrue de la Haute Autorité de santé serait cependant hautement souhaitable…
Références et notes
[1] L’érythrosine, un additif controversé, Que Choisir, Actualité 24.03.2023
[2] Deux colorants alimentaires rouges : l’érythrosine (dérivé iodé de la fluorescéine, composé appartenant à la famille des xanthènes) et l’azorubine (colorant azoïque).

[3] TEST E122 Azorubine, Carmoisine, Que Choisir, 23.10.2018
[4] Agents Classés par les Monographies du CIRC
[5] Dioxyde de titane, Anses, 20.07.2017
[6] Nanomatériaux dans l’alimentation : première application de la méthodologie d’évaluation des risques de l’Anses, 14.12.2022
[7] Dioxyde de titane : le E171 n’est plus considéré comme sûr en tant qu’additif alimentaire, EFSA, 06.05.2021
[8] Le 6 avril 2023, l’Assemblée nationale a voté contre la proposition d’interdire à partir de 2024 des additifs nitrés dans les charcuteries. Pourtant, des alternatives existent et des charcuteries exemptes de ces additifs sont déjà commercialisées.
[9] G. Coudray, Nitrites dans la charcuterie : le scandale, Harper Collins, 2023.
Crédit de l’image en tête du texte : Sharon Dawn / Wikimedia Commons